Monsanto: 10 ans d’impôt à compenser!

Dans notre milieu qui milite pour la non-violence, il est d’usage de chercher, et saluer, les issues «gagnant – gagnant» aux conflits. Certes. Il n’empêche que certaines défaites font parfois drôlement plaisir…

Ainsi de celle que vient de subir Monsanto devant le Tribunal fédéral: Ayant quitté son siège de Morges prématurément, cette firme multinationale va devoir restituer à l’État de Vaud les 10 ans d’exemption d’impôt auxquels elle avait eu droit. Ce sont ainsi CHF 34’009’916.– qui vont rentrer dans l’escarcelle publique… pour notre plus grand bien!

Vous connaissez la combine de ces exemptions abusives: Une firme installe des bureaux quelque part en Suisse, obtient exonérations ou fortes réductions d’impôt au motif qu’elle va faire tourner l’économie locale (embauches, fournitures, sous-traitances etc.), reste là juste le temps qu’il faut pour que lesdites réductions soient définitivement acquises, puis part sous d’autres cieux rejouer la même sérénade…

…Sauf que là, peut-être parce que rachetés par Bayer en 2016, peut-être parce qu’ils se croyaient au-dessus des lois (ils le sont hélas si souvent…), «ils» sont partis trop tôt: 2020 au lieu de 2024. Et toc: le piège s’est refermé sur eux. Réclamation de l’État, recours de la firme au Tribunal cantonal – qui lui donne partiellement raison, hou! –, recours du Canton au Tribunal fédéral… et bing! Celui-ci statue en faveur de l’État.

Monsanto: un cas d’espèce…

Certains de nos lecteurs se rappelleront la campagne «Prudence OGM» menée sous l’égide du CENAC, de 2008 à 2013, dirigée essentiellement contre les essais de blés génétiquement modifiés menés par la station de recherche d’Agroscope à Pully (VD). Lors de cette campagne nous avions publiquement dénoncé la présence de Monsanto à Morges (siège pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique), infâme du fait du lourd passé de la firme:

  • Fabrication de PCB (polychlorobiphényles) dès 1935: lubrifiants et conducteurs thermiques, mais aussi polluants persistants qui s’accumulent dans les tissus graisseux humains, et cancérogènes probables. Des intoxications collectives ont été démontrées.
  • Fabrication d’hormones de croissance, de 1994 à 2008, permettant de stimuler la production laitière des vaches mais augmentant fortement les risques de mammites (inflammation des pis: +25%) et les risques cliniques de boiter (+55%) des bêtes.
  • Fabrication de dioxines, poisons qui se concentrent dans les graisses animales, endommageant le système immunitaire, perturbant le développement du système nerveux, troublant le système endocrinien et la fonction de reproduction.
  • Création du fameux «agent orange» (basé sur une de ces dioxines) pour l’armée américaine, qui l’utilisa contre le Vietnam de 1961 à 1971: 80 millions de litres de défoliant déversés, entre 2,1 et 4,8 millions de Vietnamiens exposés et 20% de la forêt détruite! Mais quels beaux bénéfices pour la firme et ses actionnaires!
  • Création en 1975 du Roundup, le fameux herbicide non sélectif, longtemps le plus vendu au monde, nocif pour la santé et cancérigène probable, contre l’interdiction duquel la firme a mené – et mène encore – un nombre insensé de batailles juridiques.
  • Sans oublier les OGM agricoles, compléments logiques dudit Roundup puisque Monsanto vend le second notamment pour débarrasser les premiers des «mauvaises herbes» dans les champs. Pressions sur les paysans, les scientifiques et les politiques, trucages de données scientifiques, publicité mensongère…

Échec et mat !

Vous l’aurez compris: Monsanto c’est l’emblème même de la multinationale malfaisante! Qu’ils soient partis de chez nous est une bonne chose (même si, bien sûr, ils sont aussi nocifs ailleurs qu’ici, et autant sous le nom de Bayer que sous l’ancienne dénomination); qu’ils doivent enfin payer leur dette envers la communauté publique n’est que justice.

Trop souvent, c’est la volonté des firmes multinationales qui fait (ou défait) la loi. On se réjouit donc tout particulièrement de cet échec de l’une d’elles devant la Justice helvétique. C’est un symbole de violence – et de violence mondiale, extrême, vulgaire, archi-efficace, sans scrupule… – qui se casse une dent: tant mieux!

Morges, le 22.12.2021 / Philippe Beck

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