Oui, toute guerre doit se terminer. Et le mieux est qu’elle se termine autour d’une table de négociation. Alors, qu’attendent Ukraine et Russie pour s’y rendre ?
Partons de l’idée qu’à peu près tout le monde l’a compris aujourd’hui : Même si d’évidence c’est le gouvernement russe qui a déclenché cette guerre désormais entrée dans son 8e mois, ce sont aujourd’hui les USA qui mènent le bal : renseignement militaire, envoi d’armement, menaces diverses, trains de sanctions… Comme certains l’ont exprimé : « les USA sont prêts à se battre jusqu’au dernier Ukrainien ». Une boutade qui fait froid dans le dos…
Malheureusement, fort de cet appui, le gouvernement ukrainien nous semble avoir perdu la sagesse dont il faisait preuve au début de ce conflit. Sa détermination à « récupérer » les territoires perdus – et, si nous sommes bien renseignés, majoritairement peuplés de Russes ou du moins de russophones – relève de l’acharnement mortifère.
Par parenthèse, on relèvera que si l’Ukraine avait su traiter sa minorité russophone avec respect, en dépit de sa légitime rancune envers le passé soviétique, la population du Donbass et autres régions majoritairement russophones se sentirait probablement bien davantage liée à l’Ukraine… et moins à la Russie ! (A noter qu’on peut en dire autant de l’Estonie ou de la Lettonie, mais passons.) Une fois de plus, on constate qu’une violence – en l’occurrence la migration plus ou moins forcée de populations dans un pays voisin, à l’époque soviétique – provoque d’autres violences, même à très long terme : crispation « anti-russe » de maints Ukrainiens, puis de ce fait (3e violence) ressentiment « anti-ukrainien » des populations russophones concernées… Et le dernier coup de force de Poutine (référendum de ces régions, forcément gagné sur place mais refusé d’avance par la communauté des nations) n’arrangera nullement les choses ! Encore une fois : Seule une négociation peut permettre de sortir « par le haut » de cette chaîne de violences, en envisageant comment ménager les intérêts de chacun.
Ces dernières semaines, l’armée ukrainienne récupère du terrain. Bravo à elle. Mais cela ne résout rien non plus ! La Russie vient de décréter une mobilisation de réservistes pour refournir les 1’000 km de front (1’000 km… vous rendez-vous compte ??), et on gage qu’elle a dans ses arsenaux encore bien assez de bombes de tout calibre pour continuer de saccager l’Ukraine. Où, déjà, à côté des morts, des blessés, des déplacés internes et des personnes réfugiées à l’étranger, il faut relever d’importants dégâts à l’environnement : l’incendie d’immenses pans de la magnifique forêt de ce pays (déjà 1’600 km2 à fin mai selon Yehor Hrynyk, coordinateur du Groupe ukrainien de conservation de la nature [1]).
Dès lors, on s’alarme d’autant plus de lire, dans le même article : « Que faut-il faire pour sauver les forêts ukrainiennes ? La solution la plus évidente est de mettre fin à la guerre le plus rapidement possible. Cela ne peut se faire qu’avec le soutien de la communauté internationale, qui doit imposer des sanctions plus sévères à la Russie et fournir à l’Ukraine suffisamment d’armes pour vaincre les envahisseurs de Poutine sur le champ de bataille. Tout ce qui n’est pas une victoire ukrainienne conduira à une paix de compromis qui ne fera que préparer le terrain pour une nouvelle guerre » (C’est nous qui soulignons).
Quelle erreur ! Quelle tragique erreur, et quelle mécompréhension de la dynamique d’un conflit : Non, justement, c’est une victoire sans compromis, autrement dit sans recherche de solution tenant compte des intérêts des uns et des autres, qui causerait immanquablement un désir de revanche !
Et la communauté internationale aurait bien mieux à faire que de souffler sur la flamme en multipliant les envois d’armes : pousser, énergiquement, les deux parties à la négociation. Car si une défaite de l’Ukraine serait tragique pour ce pays, il ne faut pas oublier qu’une défaite de la Russie serait tout simplement catastrophique pour l’ensemble de l’Europe. Ce serait mettre au ban de notre continent, tout simplement son pays le plus étendu. Et riche, il ne faut pas l’oublier, de 146 millions d’habitants… et d’un des passés culturels, artistiques, les plus prestigieux du monde. Une Europe sans Russie ? Comment simplement l’imaginer ?!
Décidément : Seule une paix négociée sera bonne, à long comme à court terme, pour le peuple Ukrainien, pour le peuple Russe, et pour nous tous !
Pour le CENAC (Centre pour l’Action non-violente)
Le 27.9.2022 / Philippe Beck
[1] Source : Archipel n° 317, septembre 2022.
Cher Philippe,
Merci pour ce texte qui pose bien les responsabilités. Sans nier l’agression inadmissible de Poutine envers l’Ukraine, tu montres bien la négligence de Zelenski envers les Russophones . Ils ont fait appel à la partie identitaire russe pour se défendre de l’attaque du régiment Azov. En fait c’est ce groupe qui est à l’origine de la guerre par leur attaque contre cette population que les Russes ont eu beau jeu de venir soutenir.
Je regrette que le concept de défense civile non-violente ne soit pas plus utilisé dans les anciennes dominations soviétiques car elles ont fait leurs preuves en Tchécoslovaquie, Slovenie et Allemagne de l’Est.
Bien cordialement. Michel MONOD