Conseil de sécurité : à réformer d’urgence

Cela fait des décennies qu’on le constate : L’ONU est pratiquement paralysée en matière de maintien ou restauration de la paix, du fait du droit de véto, au Conseil de sécurité, des 5 puissances nucléaires historiques – USA, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne –. En effet, presque partout sur la planète, donc pour tout conflit armé qui s’ouvre, l’un au moins de ces grands pays estime ses intérêts menacés… L’accélération de la globalisation-mondialisation au fil des décennies n’a fait qu’aggraver ce problème !

Dans Le Courrier du 24 mars, M. Jean Ziegler a publié une « Agora » à ce propos. Il voit l’espoir dans « l’insurrection des consciences des peuples des Nations unies ». Désolé : je ne puis partager son optimisme. D’abord parce que l’ONU n’est pas une « internationale des peuples », mais des États. Et que ceux-ci mettent systématiquement en avant leurs intérêts particuliers – jamais l’intérêt général… Ensuite parce que « les peuples », s’ils peuvent se montrer magnifiquement solidaires (en témoigne la réaction à la guerre en Ukraine), sont le plus souvent sordidement indifférents (en témoigne notre silence au développement des autres guerres, au sort des autres réfugiés).

Entre éloignement géographique ou culturel, égoïsme, manque de temps, indifférence et sentiment d’impuissance… 99 % d’entre nous se disent qu’ils aimeraient faire quelque chose, mais y renoncent avec, eh oui : soulagement…

Alors… quoi ? Laisser le Conseil de sécurité, unique enceinte onusienne dotée d’un vrai pouvoir de décisions contraignantes et même de la force armée, gesticuler sans jamais permettre une vraie action, du fait des égoïsmes des « tout puissants » ? Impensable…

Je vois une piste différente : Si tous les autres pays membres du Conseil de sécurité, permanents ou non, décidaient de refuser de siéger aussi longtemps que le droit de véto ne sera pas abandonné par ses 5 bénéficiaires, ces 5 puissances se retrouveraient seules à y siéger… Libres de s’y chicaner et de s’y bloquer mutuellement comme d’habitude… Mais profondément décrédibilisées, et même ridiculisées…

Je viens d’écrire : « Si tous les autres pays… » – mais au fait, ne suffirait-il pas qu’une majorité d’entre eux… ?

Et pour commencer, ne suffirait-il pas que la Suisse, plutôt que de multiplier les efforts pour entrer dans ce cénacle impuissant – comme elle le fait ces temps –, entame seule ce mouvement ?

Morges, le 25.03.2022 / Philippe Beck

Note: Une version un peu différente de cet article a été envoyée comme lettre de lecteur au Courrier, ainsi que, par l’intermédiaire de ce dernier, à M. Jean Ziegler, en l’invitant, lui qui fréquente ces milieux, «de faire passer cette idée aux gouvernants, suisses et d’ailleurs». On verra bien…

Note 2: Ma lettre de lecteur a fini par être publiée par Le Courrier, le 26 avril 2022. Par ailleurs, M. Ziegler m’a appelé, nous avons pu en discuter et je l’ai fortement enjoint à suggérer cette action aux personnes qu’il peut connaître dans ce domaine…

Note 3: Et le lendemain, 27 avril 2022, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution obligeant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité à justifier leur recours au veto. Lancée par le Liechtenstein, cette mesure vise à «faire payer un prix politique plus élevé» pour le recours au veto.
Concrètement, le pays qui fait usage du veto sera convoqué dans les 10 jours ouvrables pour tenir un débat sur la situation en jeu – et donc, sous-entendu, tester des voies susceptibles de permettre de renoncer au veto –.
La RTS commentait cette nouvelle avec les chiffres suivants: Depuis la fondation de l’ONU, la Russie a recouru au veto 143 fois, les USA 86 fois, le Royaume-Uni 30 fois, le Chine et la France 18 fois chacune.
Sources: le Courrier du 27.402022 et la “Matinale” de la RTS du même jour (ici).

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