Gestation pour autrui: gare aux raccourcis!

Cela ne fait guère de doute, le mariage pour tous sera bientôt une réalité. Les signaux sont au vert. La réforme devrait être avalisée en votation populaire le 26 septembre. Les couples désireux de cadrer leur relation auront donc tous les mêmes droits, quel que soit leur genre. Cela signifie que les lesbiennes cherchant à concevoir un enfant n’auront plus besoin de se rendre à l’étranger pour bénéficier d’un don de sperme. Elles auront accès sans entrave à la procréation médicalement assistée.

On entend déjà les grincheux affirmer que cela ouvre la porte aux mères porteuses pour les couples gay. En réalité, rien ne change à cet égard puisque le recours à la gestation pour autrui est illégal en Suisse, que l’on soit homo ou hétérosexuel. Et à mon avis, c’est tant mieux. Il importe de ne pas autoriser cette pratique qui revient à marchandiser le corps de la femme et,  corollaire, à vendre des enfants.

Il faut une bonne dose d’hypocrisie pour se fier à la fiction selon laquelle les mères porteuses mettraient leur utérus à disposition de femmes stériles ou d’hommes en mal d’enfant par bonté d’âme. C’est un commerce auquel l’altruisme sert de couverture. Quand on connaît les bouleversements induits par une grossesse, tant sur le plan physique que psycho-affectif, comment croire que des femmes se lancent dans une telle aventure pour autrui sans en attendre une contrepartie financière ? Dans certains pays, on parle pudiquement d’indemnisation plutôt que de salaire, mais cela recouvre la même réalité. Sauf circonstances extraordinaires, la mère porteuse est une femme qui prend le risque de mettre sa santé en danger parce qu’elle a besoin d’argent.

On me dira qu’aujourd’hui rien n’empêche des couples suisses de se rendre à l’étranger pour contracter une mère porteuse, même si c’est illégal chez nous. Effectivement. Et dans ce cas il n’y a pas d’autre solution pour les autorités que la reconnaissance du bébé une fois que la famille revient au pays. Je suis persuadée que cet enfant sera aussi aimé qu’un autre, mais ce n’est pas la question.  

Le concept de la libre disposition de son corps n’autorise pas toutes les dérives. Pensons par exemple aux transplantations rénales. Un donneur vivant peut offrir un rein à un proche par altruisme, mais aucun Etat (du moins je l’espère)  n’envisage de légaliser la vente de reins entre des inconnus tant il est clair qu’il s’agirait d’un commerce déséquilibré portant atteinte à la dignité humaine. On peut pourtant vivre avec un seul rein. La gestation pour autrui, c’est la même chose. Il faut continuer à l’interdire à moins que l’on veuille d’un monde dans lequel les pauvres porteraient les enfants des riches et où les femmes seraient réduites à leur fonction reproductive.

Christiane Imsand

2 thoughts on “Gestation pour autrui: gare aux raccourcis!

  1. Oh que je te donne raison, Christiane ! Et j’aimerais ajouter ce commentaire : le «Droit à l’enfant» me semble une infâmie… autant qu’une supercherie.
    On “engendre” un enfant, on “l’accueille”, c’est une joie… ou une grimace, mais en aucun cas un droit !
    On a des droits sur des choses, pas sur des personnes – ou alors il s’agit d’un contrat. Mais aucun enfant, qu’on sache, ne naît avec à la main un “contrat de vie” dûment signé…
    Alors : Oui au mariage homo, Oui aux dons de sperme mais Non à la procréation assistée (qui n’est, faut-il le rappeler, pas du tout concernée par la votation prochaine…)

  2. Bonjour,
    Je n’ai découvert votre article que récemment, voici donc une remarque… tardive.
    Je partage largement vos positions, et j’aimerais juste attirer votre attention sur les limites de votre parallèle entre gestation pour autrui et greffe de rein. On peut donner un rein par altruisme, mais peut-on le faire avec un bébé?!? Par ailleurs, la vente d’organes légale existe bel et bien: l’Iran en autorise le commerce, et le régule, avec précisément l’ambition de limiter les trafics illicites. Certes le résultat est-il contestable (dérives, tricheries…), mais la démarche n’est pas inintéressante, alors que bien d’autres pays (Inde, Pakistan, Philippines, etc.) préfèrent fermer les yeux sur un juteux commerce illicite; où les riches (étrangers ou locaux) s’approprient quotidiennement les organes de personnes criblées de dettes. Forcées de «se vendre» littéralement, ces personnes ne voient même pas la couleur du gain obtenu — destiné à leurs créanciers —, pas plus qu’elles ne bénéficieront du suivi médical dont elles auraient besoin. Quant à l’acheteur, tout comme le vendeur et la clinique qui gère l’opération, ils ne seront jamais confrontés au risque qu’un jour, le rein vienne frapper à leur porte pour tirer au clair ses origines biologiques!
    Bref: il me semble que la comparaison n’est pas très heureuse, tant il y a des spécificités dans la problématique des grossesses d’une part, celle des greffes d’autre part. Mais pour le reste, je vous suis!
    Bien amicalement,
    Luc

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