Solstice d’hiver 2020, minuit. Au «flash info» de la radio romande, tombe l’absurde nouvelle: «Un premier cas de coronavirus a été découvert sur le dernier continent encore épargné…». Quoi?!? Moi qui croyais que le moindre ilot du Pacifique avait déjà été touché! «… l’Antarctique, l’armée chilienne vient de l’annoncer». Avec une petite note de triomphalisme dans le ton du communiqué. Ah oui, j’avais oublié les pingouins. Mais hormis quelques scientifiques, ou sportifs de l’extrême, quels autres bipèdes que des militaires pour parader en ces lieux? De fait, la bête immonde n’a pas seulement été «découverte» en Antarctique: elle y a été amenée, bien sûr…
Décidément, cette année a bien perturbé nos perceptions du monde. Alors que les distances ne semblaient guère poser d’autre problème que la manière de les franchir au plus vite, voilà que nous en cultivons le respect. Et lorsque nous nous immobilisons, comprimant nos espaces pour freiner l’avancée du monstre, c’est le temps qui devient long à l’excès…
Discret comme une honte et frappant comme une évidence, dans ce tumulte planétaire tel que vu de nos paisibles chaumières, un voile opaque est jeté sur les plus faibles; une sourdine est mise sur les misères du monde… autres que notre peur virale d’être submergés par la pandémie. On entrouvre certes un œil sur l’existence des «pauvres d’ici» — difficile de ne pas voir les queues devant les distributions de vivres. Mais on semble oublier que le virus n’a ni interrompu les combats dans les zones de guerre, ni servi de bouée aux migrants noyés en Méditerranée, ni éteint les incendies de forêts, ni protégé les droits des minorités, ni nourri les affamés, ni contraint les opulents au partage, ni fait douter l’économie de «la croissance», ni ébranlé la frénésie consumériste…
Or, l’année 2021 nous amène encore bien des surprises! Ne serait-ce qu’autour des enjeux de la vaccination. Le débat n’est pas nouveau, mais il va prendre une nouvelle acuité: entre liberté individuelle et responsabilité collective, où placerons-nous le curseur? Comment empêcher à la fois la violence de la contrainte à des vaccins auxquels d’aucuns ne consentiront pas, et la violence du refus du vaccin en termes de respect de la santé et de la vie des plus vulnérables? Comment concilier les droits élémentaires des individus, et les besoins impératifs du groupe? Sacrés défis, pour la pensée et pour l’action non-violentes!